L’administration de liquides est essentielle à la survie du patient en état de choc, quelle qu’en soit la cause.
Cet approvisionnement se fait surtout pendant les premières heures et les premiers jours du séjour, car c’est au cours de ceux-ci que s’effectue la réanimation du patient, qui est souvent admis à l’USI pour un choc ou une hypotension de toute étiologie.
La fluidothérapie est une technique difficile, car il n’existe pas de formule qui fonctionne de la même manière pour tous les patients, mais elle nécessite une évaluation minutieuse pour comprendre les besoins individuels de chaque patient.
Les deux premières questions que tout praticien se pose lorsqu’il est confronté à la fluidothérapie sont les suivantes :
Quel liquide donner ?
Quelle quantité de liquide administrer et sur quelle durée ?
Pour répondre à ces questions, la première distinction à faire est de savoir si le patient a besoin de liquides de maintien ou de remplacement.
Fluidothérapie d’entretien
La fluidothérapie d’entretien est indiquée pour les patients qui ne peuvent pas boire suffisamment ou qui ne peuvent pas boire du tout, mais qui ne présentent pas de déplétion volumique, d’hypotension ou de pertes continues.
En outre, la perte est due à des causes physiologiques telles que l’urine, la sueur ou les voies respiratoires.
Thérapie de remplacement des fluides
Les fluides de remplacement sont destinés à remplacer les fluides corporels et les électrolytes dont la perte n’est pas seulement physiologique, mais aussi due aux vomissements, à la diarrhée ou aux brûlures cutanées graves.
Lors de l’élaboration d’une stratégie de gestion des fluides, ces deux catégories doivent être considérées comme un point de départ.
La réanimation comporte quatre phases, qui sont logiquement liées aux différentes phases cliniques que l’on retrouve en fluidothérapie pendant la durée du traitement et au cours desquelles les patients voient leur état s’améliorer.
Pour présenter ces quatre phases de la réanimation, nous allons nous concentrer sur l’un des scénarios cliniques les plus courants et les plus complexes auxquels sont confrontés les professionnels : le patient en état de choc septique.
Ce patient se caractérise par un premier stade montrant un choc hyperdynamique avec une diminution de la résistance vasculaire systémique due à la vasodilatation, une augmentation de la perméabilité capillaire et une hypovolémie intravasculaire sévère, absolue ou relative.
Les 4 phases de la réanimation par voie intraveineuse sont les suivantes :
Sauvetage
Cette phase se caractérise par une vasodilatation sévère entraînant une pression artérielle moyenne basse et une altération de la microcirculation.
Il peut également s’accompagner d’un débit cardiaque élevé ou faible. Dans le cas d’un choc septique, le débit cardiaque est faible et s’accompagne d’une hypovolémie grave ou d’une cardiomyopathie induite par le sepsis.
Cette phase s’étend des premières minutes du traitement liquidien jusqu’à 24 heures et se caractérise par une stratégie liquidienne ciblée basée sur une réhydratation précoce pour stabiliser l’hypoperfusion tissulaire.
Il est important de perfuser une quantité de liquide individualisée pour chaque patient. Grâce à l’utilisation de moniteurs hémodynamiques, il sera possible d’évaluer le besoin en liquide et les conditions prémorbides du patient.
Dans cette phase, l’administration de liquide augmente considérablement le débit cardiaque dans la plupart des cas. Toutefois, après les premiers bolus de liquide, la probabilité de non-réponse est élevée. Il convient de noter que la réponse ne peut être déterminée qu’après l’administration du bolus et à condition d’utiliser un dispositif de surveillance permettant de calculer le débit cardiaque.
Quel fluide administrer et en quelle quantité ?
La campagne “Survivre à la septicémie” contient des recommandations relatives à la fluidothérapie chez les patients atteints de septicémie :
- Le choc septique et la septicémie sont des urgences médicales et un traitement et une réanimation immédiats sont recommandés.
- Le premier choix thérapeutique chez les patients atteints de septicémie est l’administration d’au moins 30 ml/kg de cristalloïdes par voie intraveineuse dans les 3 premières heures.
- Des évaluations hémodynamiques, telles que l’évaluation de la fonction cardiaque, afin de déterminer le type de choc.
- Utilisation de variables dynamiques plutôt que statiques pour prédire la réponse à l’administration de fluides.
- Pression artérielle moyenne cible de 65 mm Hg chez les patients en état de choc septique nécessitant des vasopresseurs.
- Normaliser le lactate lorsqu’il est élevé en tant que marqueur de l’hypoperfusion tissulaire.
Pendant la réanimation, une observation constante de l’état hémodynamique du patient est nécessaire pour éviter un traitement excessif ou insuffisant.
Optimisation
Une fois que les bolus ont été administrés et que le professionnel détermine que le patient a été “sauvé”, la phase d’optimisation commence. Cette phase commence 24 heures après le début de la thérapie liquidienne et dure jusqu’à 72 heures.
L’objectif de cette phase est d’essayer de réduire l’hypovolémie, en garantissant un apport d’oxygène adéquat aux organes à risque et en évitant ainsi une défaillance des organes due à une hypoperfusion ou à un œdème tissulaire.
L’accumulation de liquide détermine la gravité de la maladie et est considérée comme un marqueur de la maladie.
Plus le besoin en liquide est important, plus la maladie est grave et plus la défaillance d’un organe est probable.
Quel fluide administrer et en quelle quantité ?
Il est évident que le contexte clinique doit être pris en compte, la quantité à administrer devant être en rapport avec la cause qui a conduit au choc septique.
Tests pour prédire la réactivité aux fluides
La réduction de l’indice d’hypovolémie s’accompagne d’une diminution de la quantité de liquide nécessaire, qui se situe généralement entre 5 et 15 ml/kg.
Afin de déterminer la quantité exacte de liquide à administrer, il est important d’essayer de prédire la réponse aux liquides, pour laquelle nous pouvons utiliser deux techniques :
- Test d’élévation passive des jambes (PELT).
Pour ce faire, il faut partir d’une position semi-inclinée et passer à une position où les jambes sont relevées à 45° et où le tronc est maintenu à l’horizontale.
Le transfert du sang veineux des extrémités inférieures et du compartiment splanchnique vers les cavités cardiaques imite l’augmentation de la précharge induite par la perfusion de liquide.
- Test d’occlusion expiratoire (EOT)
Elle consiste à arrêter la ventilation mécanique en fin d’expiration pendant 15 secondes et à mesurer les variations du débit cardiaque qui en résultent.
Une augmentation du débit cardiaque au-dessus du seuil de 5 % indique une réactivité à la précharge/au liquide.
À ce stade, le praticien peut également décider de ne pas administrer de liquides sur la base d’indices indiquant le risque d’une éventuelle surcharge liquidienne.
Indicateurs de risque de surcharge hydrique
Insuffisance pulmonaire
L’insuffisance pulmonaire est l’un des pires scénarios pour les conséquences de la surcharge liquidienne.
Pour estimer le risque pulmonaire d’une perfusion élevée de liquide, nous devons savoir :
- L’indice d’eau pulmonaire extravasculaire (EVLWI).
- L’indice de perméabilité vasculaire pulmonaire : c’est l’un des facteurs clés pour déterminer l’œdème pulmonaire.
Hypertension intra-abdominale
L’hypertension intra-abdominale est une autre conséquence fréquente de l’administration excessive de liquides.
La pression intra-abdominale doit être surveillée avec prudence, en particulier chez les patients à risque.
Stabilisation
La phase de stabilisation commence 72 heures après le début de la fluidothérapie et peut être prolongée jusqu’à 96 heures après le début du traitement.
À ce stade, le patient est stable et l’objectif est d’éviter d’endommager les organes cibles.
La stabilisation se caractérise par une thérapie hydrique d’entretien, lorsque le bilan hydrique cumulé est neutre ou négatif, car un bilan hydrique durablement positif est associé à un taux de mortalité plus élevé chez les patients septiques.
Quel fluide administrer et en quelle quantité ?
La fluidothérapie d’entretien ne doit être utilisée que pour répondre aux besoins quotidiens en liquides et en électrolytes.
Si le patient reçoit des apports quotidiens par d’autres voies telles que la nutrition entérale ou parentérale, la thérapie liquidienne intraveineuse sera interrompue.
Réanimation
La stabilité hémodynamique est atteinte ou 96 heures se sont écoulées depuis le début du traitement.
Dans cette phase, un équilibre hydrique négatif est recherché en limitant les fluides intraveineux ou en induisant une diurèse spontanée pour restaurer la fonction hémodynamique intrinsèque.
La fluidothérapie peut sauver de nombreuses vies, mais comme il s’agit d’un traitement très complexe, il faut une connaissance approfondie de la relation dose-effet ainsi que des effets secondaires de chaque liquide afin de personnaliser le traitement pour chaque patient au cours des quatre phases du traitement.
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