Anesthésie loco-régionale et durabilité : la révolution verte dans la salle d’opération

Campus Vygon

22 Oct, 2025

Cet article propose une comparaison exhaustive, fondée sur des données, entre l’anesthésie loco-régionale et l’anesthésie générale, démontrant pourquoi l’anesthésie loco-régionale est une option supérieure pour le clinicien moderne et soucieux de l’environnement. Son objectif est de mettre en évidence les avantages évidents du passage à des techniques plus durables sans compromettre la qualité des soins. Dans cet article, vous trouverez :

  • Une comparaison directe de l’empreinte carbone (CO2) de chaque technique, révélant une différence considérable.
  • Des preuves claires de l’amélioration des résultats pour les patients, notamment une récupération plus rapide et moins de complications postopératoires.
  • Une analyse de la manière dont l’anesthésie loco-régionale réduit la consommation de médicaments et d’autres ressources médicales.

Le défi caché : réduire l’empreinte environnementale de la salle d’opération

Dans le paysage moderne des soins de santé, les hôpitaux sont soumis à une pression croissante pour réduire leur empreinte environnementale. Alors que de nombreuses initiatives en matière de durabilité se concentrent sur l’énergie ou les déchets physiques, l’un des facteurs les plus importants contribuant aux émissions de carbone d’un hôpital reste souvent caché : le choix de l’anesthésie.

L’anesthésie générale, qui a longtemps été la pierre angulaire de la chirurgie, est associée à des émissions de carbone élevées, à une consommation excessive de médicaments et à davantage de complications postopératoires.

De nombreux cliniciens dévoués, engagés à fournir des soins de la plus haute qualité, ignorent tout simplement qu’une alternative puissante et durable est déjà à leur portée.

Cet article vise à combler le manque de connaissances en démontrant, à l’aide de données claires et fondées sur des preuves, que l’anesthésie loco-régionale est une alternative efficace, sûre et respectueuse de l’environnement dans certaines situations. S’orienter vers la durabilité dans la salle d’opération est une amélioration, et non un sacrifice.

Les données parlent d’elles-mêmes : une comparaison frappante des empreintes carbone des anesthésies

Lorsqu’on évalue l’impact environnemental de l’anesthésie générale, les chiffres parlent d’eux-mêmes et sont choquants. Le débat sur la durabilité doit s’appuyer sur des données, et l’anesthésie générale et l’anesthésie loco-régionale.

Une analyse du cycle de vie réalisée dans le domaine de la chirurgie de la colonne vertébrale, qui prend en compte toutes les émissions de gaz à effet de serre et les convertit en une seule unité comparable (équivalent CO2 ou CO2), offre un contraste saisissant.

  • Une seule intervention sous anesthésie rachidienne (ALR) génère une empreinte carbone moyenne de seulement 63 g de CO2e.
  • La même intervention sous anesthésie générale (AG) produit quant à elle 22 707 g de CO2e.

(Basé sur une analyse du cycle de vie en chirurgie rachidienneà inclut toutes les émissions de gaz à effet de serre converties en équivalent CO₂).

Il ne s’agit pas d’un chiffre abstrait. Le choix d’une anesthésie loco-régionale pour une seule intervention permet d’éviter une pollution équivalente à celle générée par un trajet de 91,5 kilomètres (56,9 miles) en voiture particulière.

Comparaison de l'impact environnemental entre l'anesthésie générale et la rachianesthésie dans la chirurgie de fusion lombaire TLIF, exprimée en émissions de CO₂ équivalentes aux kilomètres parcourus en voiture, sur la base des données de l'EPA".

Cette réduction drastique devient incroyablement puissante à l’échelle. Une étude citée en référence par Wang et al. a analysé 2 714 interventions chirurgicales (main, poignet, hanche et cheville), dont 95 % ont été réalisées sous anesthésie générale. Une conversion hypothétique de ces procédures à l’anesthésie locorégionale permettrait d’économiser 92 kg de sévoflurane, ce qui équivaut à 40 566 kg de CO2, soit une pollution suffisante pour faire dix fois le tour de la terre en voiture.

Infographie montrant l'impact environnemental de l'anesthésie générale par rapport à l'anesthésie locorégionale sur 2 714 interventions chirurgicales, mettant en évidence les économies potentielles de sévoflurane, d'émissions de CO₂ et d'équivalents globaux de conduite.

Au-delà des émissions : l’effet domino des avantages cliniques et des ressources

Les avantages environnementaux de l’anesthésie loco-régionale vont bien au-delà de la réduction directe des émissions de gaz à effet de serre. Le choix de cette technique crée un effet domino positif, réduisant considérablement la consommation de produits pharmaceutiques et de dispositifs médicaux, qui ont eux-mêmes un impact sur l’environnement en termes de fabrication et d’élimination.

  • Moins besoin d’opioïdes postopératoires, tels que la morphine, ce qui contribue à atténuer le risque de dépendance et les effets secondaires.
  • Évite l’utilisation de myorelaxants (curare), éliminant ainsi les complexités et les risques associés à leur administration et à leur inversion.
  • Évite le recours à des procédures d’intubation difficiles et à une ventilation contrôlée, éliminant ainsi le besoin de médicaments et d’équipements associés.
  • L’utilisation des ultrasons pendant l’intervention permet aux professionnels de santé de visualiser les nerfs cibles et la propagation de l’anesthésique en temps réel. L’utilisation du guidage par ultrasons réduit le volume total d’anesthésique administré tout en maintenant son efficacité.

Efficacité et rétablissement du patient : une double victoire indéniable

Une question cruciale pour tout clinicien est de savoir si une option durable compromet l’efficacité. Avec l’anesthésie régionale, la réponse est clairement non.

De nombreuses études et expériences cliniques confirment que l’anesthésie régionale est tout aussi efficace, voire dans certains cas plus efficace, que l’anesthésie générale pour un large éventail d’interventions, tout en affichant une empreinte carbone nettement inférieure.

Cette conclusion reste valable même en tenant compte des déchets plastiques associés aux kits d’anesthésie régionale, un point confirmé par White & Shelton dans Abandonner l’anesthésie par inhalation (2019). Il ne s’agit pas de choisir entre « écologique » et « efficace », mais plutôt de parvenir à concilier les deux.

Les avantages pour le patient sont tout aussi convaincants, ce qui crée un « double gain » évident.

  • L’anesthésie régionale est associée à un meilleur soulagement de la douleur postopératoire et à moins d’effets secondaires tels que nausées, vomissements et démangeaisons.
  • Elle facilite une meilleure rééducation et une meilleure mobilisation postopératoires, ce qui peut entraîner des séjours hospitaliers plus courts et des sorties plus rapides.
  • Dans le cas d’une arthroplastie de la hanche ou du genou en ambulatoire, les patients sous anesthésie rachidienne ont un taux de sortie le jour même plus élevé que ceux sous anesthésie générale (77 % contre 67 %).
  • Les patients souffrent également moins de dépression respiratoire ou d’autres effets secondaires.

Cette synergie entre responsabilité écologique et soins centrés sur le patient fait de l’anesthésie loco-régionale une approche véritablement révolutionnaire dans la médecine moderne.

Adopter une nouvelle norme en matière d’anesthésiologie responsable

Les preuves sont claires et convaincantes. Le choix entre l’anesthésie loco-régionale et l’anesthésie générale est une décision stratégique qui a des implications profondes pour la durabilité, la gestion des ressources et le bien-être des patients.

En adoptant l’anesthésie régionale, la communauté des anesthésistes peut mener une importante transformation écologique dans le secteur des soins de santé. Il s’agit d’une mesure concrète, immédiate et fondée sur des preuves en faveur d’une pratique plus durable et plus responsable, où l’excellence clinique et la gestion environnementale vont de pair.

Bibliographie :

  1. l’anesthésie rachidienne par rapport à l’anesthésie générale dans les fusions intervertébrales lombaires transforaminales à niveau unique Wang et al., 2022. World Neurosurgery.
  2. Empreinte carbone en chirurgie traumatologique, existe-t-il un moyen de la réduire ? Journal of Anaesthesia, Analgesia and Critical Care (2024)
  3. Anesthésie locorégionale en orthopédie – s. Saadallah, z. Dahoumane – Revue médicale algérienne, décembre 2022
  4. Abandonner l’anesthésie par inhalation White & Shelton, Anaesthesia, 2019).

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